Noella Rouget

Résistante et déportée française et suissesse

Née le 25 décembre 1919 à Saumur, décédée le 22 novembre 1922 à Genève, à l'âge de 100 ans et 11 mois.


 

 

Noëlla Peaudeau (de son nom de jeune fille) est à Angers avec sa famille lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate. Elle est alors institutrice dans une école catholique et secrétaire à la Caisse d’allocations familiales. Dès 1941, elle entre en Résistance, dactylographiant et distribuant tracts et journaux clandestins et œuvrant comme agente de liaison. Elle fait partie d’Honneur et Patrie, important réseau angevin d’obédience gaulliste, dirigé par Victor Chatenay, ainsi que du réseau anglais Buckmaster-Alexandre Privet. Elle a également des liens avec plusieurs instituteurs, qui forment le groupe dit des Normaliens d’Angers, lié au Front national, proche du parti communiste. Elle y rencontre Adrien Tigeot, avec lequel elle se fiance. Né en 1923 à Rennes, Adrien prend part à des cambriolages dans des mairies, y cherchant des tickets d'alimentation et du matériel nécessaire à la fabrication de cartes d'identité. Arrêté le 7 juin 1943 dans sa classe à Corzé, par la police française, il est fusillé le 13 décembre 1943, à Belle-Beille, près d’Angers. Il laisse une lettre bouleversante à Noëlla, lui demandant de vivre et d’aimer encore. Noëlla ne trouvera cette lettre qu’à son retour de déportation. Elle est, en effet, elle même arrêtée le 23 juin 1943, au domicile de ses parents, par la GESTAPO, conduite par le collabo Jacques Vasseur. Détenue d’abord à la prison du Pré-Pigeon d’Angers, transférée à Compiègne en novembre 1943, elle est déportée à Ravensbrück le 31 janvier 1944, dans le convoi dit des 27000, elle-même recevant le matricule 27240. A Ravensbrück, elle se lie d’amitié avec Geneviève de Gaulle, Denise Vernay, née Jacob, dite Miarka, Germaine Tillion et la mère de celle-ci, Émilie Tillion (qu’elle verra partir vers la chambre à gaz au mois de mars 1945). Elle y restera jusqu’au début avril 1945, faisant partie des 300 premières Françaises libérées par le CICR. Cette libération est un échange avec 463 internés civils allemands (hommes, femmes et enfants). Noëlla Rouget et ses compagnes traversent l’Allemagne en camion jusqu’à la frontière suisse qu’elles atteignent le 9 avril 1945. Après être passée à Annemasse (Haute-Savoie) et Paris, elle est de retour à Angers le 16 avril. Elle pèse 32 kilos et est tuberculeuse.

En septembre 1945, toujours affaiblie elle rejoint le chalet La Gumfluh à Château-d’Oex, une des 9 maisons de convalescence, mises sur pieds en Suisse romande par l’ADIR (Association des déportées et internées de la Résistance) et son comité d’aide en Suisse. Ce sont environ 500 anciennes déportées qui bénéficieront des ces séjours de convalescence.

Noëlla rencontre à cette occasion André Rouget, qu’elle épouse en 1947, s’établissant dès lors à Genève. Deux enfants vont naître de cette union, Patrick en 1950 et François en 1956. Le traumatisme de la déportation pèse sur la famille, André ne voulant pas que Noëlla évoque ce passé douloureux, pensant ainsi la préserver et protéger leurs enfants – et sans doute lui-même – de la tragédie vécue à Ravensbrück.

Noëlla Rouget est membre de l’ADIR dont elle fréquente assidûment les réunions à Paris ou en province – et là, entre camarades on peut parler de ce passé commun. En 1965, Noëlla Rouget devient présidente de la section suisse, nouvellement créée, de l’ADIR. C’est à ce titre qu’elle intervient publiquement, en 1986, pour dénoncer les propos de Mariette Paschoud, une négationniste suisse, enseignante d’histoire à Lausanne, ayant soutenu Henri Roques.

Dans sa longue lettre ouverte, publiée dans la Gazette de Lausanne le 20 août 1986, Noëlla écrit en conclusion :

« J’ai le pénible sentiment que, par vos dénégations, mes infortunées camarades sont assassinées une deuxième fois ».

Ce n’est cependant qu’à partir des années 1990 que, répondant à diverses sollicitations, elle se met à témoigner après des jeunes, dans des paroisses et des écoles, en Suisse, en Haute-Savoie et dans l’Ain, ce qu’elle fera jusqu’en 2016.

Mais ce qui singularise Noëlla Rouget, c’est sa demande de grâce du collabo Jacques Vasseur, l’homme qui l’avait arrêtée et avait beaucoup sévi dans la région d’Angers, multipliant arrestations, tortures et autres exactions. A la Libération, Vasseur disparaît dans la nature et est condamné à mort par contumace. Il n’est retrouvé qu’en 1962, étant resté caché pendant 17 ans par sa mère, non loin de Lille. Après avoir témoigné au procès qui se tient en 1965 devant la Cour de sûreté de l’État, Noëlla Rouget écrit au président du tribunal pour clamer son opposition à la peine de mort. Après que celle-ci a été prononcée, elle obtient la grâce de Vasseur en s’adressant, en février 1966, au président de la République, Charles de Gaulle. Par la suite, Noëlla Rouget va entretenir une correspondance avec Vasseur, espérant un repentir de sa part, qui n’arrivera jamais.

 

Noëlla Rouget a reçu la Croix de guerre, la Croix du Combattant volontaire et la Croix du Combattant. Elle est Commandeur de la Légion d’honneur et Grand-croix de l’Ordre national du mérite.

 

Brigitte Exchaquet-Monnier & Éric Monnier

Biographes de Noëlla Rouget

 

 

N.B. :  A Genève, au sein de  l'ADIR, elle fréquente Micheline Maurel 

 

 

 


En savoir +

"La France, notre liberté, notre dignité chaque jour étaient bafouées par l'occupant. Il nous fallait agir : la Résistance nous en offrit le moyen."

 

Discours 25e anniversaire de la libération des camps,

1970

 

 

"Des concitoyens se sont laissé avoir par son verbe aisé, des Français dans la désespérance de ne point être entendus, ou ayant perdu tout esprit critique, ignorant les leçons du passé ou voulant les oublier. Devant ce fait, les rescapés ont le devoir impérieux de dire que, s'ils savent comment cela commence, ils savent  aussi hélas ! comment cela finit et en portent les stigmates dans leur corps et dans leur âme."

 

Déclaration faite en réaction l'accession de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de l'élection présidentielle en 2002

 

 

 


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