Germaine Tillion

Ethnologue et résistante française

Née le 30 mai 1907 à Allègre (Haute-Loire), décédée le 19 avril 2008 à Saint-Mandé (Val-de-Marne), à l’âge de 100 ans.


Originaire d'une bourgeoisie provinciale cultivée, de tradition à la fois catholique et républicaine, étudiante, Germaine Tillion profite pleinement des ressources artistiques et culturelles de la capitale. Elle est envoyée dans une zone isolée des montagnes de l'Aurès algérien, pour y préparer sa thèse. Durant 6 ans (1935-1940), tout en apprenant à déchiffrer les coutumes et l'organisation d'une société paysanne étrangère, elle y noue des liens d'estime et de confiance avec la population.

 

Revenant en France fin mai 1940, elle refuse d'emblée la capitulation et organise aussitôt, avec un colonel en retraite, Paul Haüet, une assistance aux prisonniers coloniaux (colis et ''marrainage'') qui débouche très vite sur une action clandestine élargie : hébergement des évadés, filières d'exfiltration en zone libre qui serviront plus tard à des aviateurs anglais, fabrication de faux papiers. Puis ce sera la collecte de renseignements militaires à destination de Londres, la diffusion d' informations clandestines, l'identification des traîtres qui ont livré des résistants à l'ennemi, notamment ses collègues du Musée de l'Homme arrêtés dès le printemps 1941, et dont 7 seront fusillés. Les deux colonels avec qui elle « travaille " directement sont arrêtés à leur tour, laissant Germaine Tillion désormais seule au pilotage de groupes diversifiés.

« Véritable ''tête chercheuse" de cette première Résistance, bien introduite dans des milieux variés, Tillion joue un rôle essentiel d'interface et d'échangeur, mettant en relation les uns avec les autres, et cherchant toujours à venir en aide à ceux qui sont en danger. » (Dictionnaire de la Résistance)

Livrée par un traître, elle est arrêtée en août 1942, en même temps que sa mère Emilie. Après 14 mois d'incarcération à la Santé, puis à Fresnes, Germaine Tillion est déportée en octobre 1943 à Ravensbrück sous le régime NN « Nacht und Nebel » (Nuit et Brouillard). S'efforçant de ne pas être enrôlée dans un commando de travail, elle est « Verfügbar »,( disponible ), corvéable à merci quand elle ne réussit pas à s'esquiver. Et privée de la maigre nourriture distribuée chaque jour sur le lieu de travail. Elle s'efforce de collecter un maximum d'information sur les crimes commis et sur les responsables, et de déchiffrer les rôles complémentaires du travail et de l'extermination dans l'économie du camp. Elle partage le fruit de ses recherches avec ses camarades et, pour soutenir leur moral, elle compose, clandestinement et à grands risques, une opérette  « Le Verfügbar aux Enfers " qui tourne en dérision leur misérable condition de déportées et leurs bourreaux ( créée triomphalement 60 ans plus tard à Paris pour son centième anniversaire).

 

"Démonter mentalement, comprendre une mécanique, même qui vous écrase, envisager lucidement, et dans tous ses détails, une situation, même désespérée, c’est une puissante source de sang-froid, de sérénité et de force d’âme."

 

Emilie Tillion, sa mère , déportée elle aussi, est assassinée par les gaz, le 2 mars 1945.

Le 23 avril 1945, Germaine Tillion est évacuée par la Croix-Rouge suédoise, au milieu de 300 Françaises. En Suède, elle entreprend immédiatement une enquête sur le parcours de chaque détenue, recherche qu'elle poursuivra de retour à Paris et qui servira à établir officiellement les anciennes déportées dans leurs droits. 

Elle est également chargée de constituer et d'avaliser les dossiers administratifs de tous ceux qu'elle reconnaîtra comme appartenant aux groupes de résistance qu'elle a animés et auxquels elle donnera le nom de Réseau du Musée de l'Homme-Haüet-Vildé .

Ses recherches aboutiront aussi à des publications : étude d'abord collective (1946) qu'elle complétera à deux reprises ( 1973, puis 1988) toujours sous le titre de « Ravensbrück ». 

 

Elle est déléguée par l'ensemble des déportées de France pour les représenter aux procès de Hambourg (en 1946) et de Rastatt (1950) où sont jugés les responsables SS du camp de Ravensbrück.

 

Il lui restait encore plus de 60 ans à vivre, qui seront occupés par de nouveaux combats :

- bien avant d'autres, avec la Commission Internationale contre le régime concentrationnaire, la dénonciation du régime concentrationnaire qui continuait de sévir dans plusieurs pays, après la chute du nazisme.

- un engagement total durant les 7 années de la guerre d'indépendance d'Algérie pour promouvoir la paix, en tentant des négociations risquées, en dénonçant toutes les violences, en fondant des structures d'éducation pour préparer l'avenir.

- l'étude du statut des femmes en zone méditerranéenne qui la fit reconnaître par nombre de féministes de ces pays comme ''leur devancière".

- une présence attentive aux luttes des minorités et des sans-papiers.

 

Ces années sont aussi occupées  par l'enseignement et la recherche ethnologique comme directeur d'études à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales et par la publication de plusieurs livres marquants.

 

En 2015, Germaine Tillion est entrée au Panthéon, en même temps que Pierre Brossolette, Jean Zay, et son amie, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, parce que selon les termes du Président de la République, ils et elles incarnent les valeurs de la Résistance.

 

 NB : les mots en italique sont ceux de Germaine Tillion

 

Cet article nous est offert par l'association Germaine Tillion

 

En savoir +

« On peut libérer les bons côtés de notre espèce mais seulement par l'information et l’instruction. (…). Les sociétés qui écrasent les femmes, qui gênent leurs informations, qui bloquent leur avenir se condamnent elles-mêmes à la clochardisation. »

 

Germaine Tillion

La traversée du Mal, Aléa, ré-éd, 2015

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