Louise Catherine Breslau

Peintresse allemande, naturalisée suisse

Née le 6 décembre 1856 à Munich, décédée le 12 mai 1927 à Paris, à l'âge de 70 ans.


Louise Catherine Breslau naît à Munich, en Allemagne, mais deux ans après sa naissance, la famille déménage à Zurich, en Suisse allemande, où son père, Bernhard Heinrich Breslau, prend le poste de médecin-chef à l’Université où il a également une chaire de professeur. Sa mère, Katherina, baronne von Brandenstein, donne naissance aux jumelles Marie-Henriette et Emma-Maria en 1859, puis, à Bernhardina, que Louise Catherine Breslau représentera avec leur mère en 1885 dans le tableau intitulé Chez soi ou Intimité.

L’intimité du logis et l’intimité entre les êtres est un thème majeur de l’œuvre de Breslau.

Louise Catherine Breslau qui s’appelle encore Maria Luise Katharina Breslau passe son enfance à Zurich. Asthmatique, elle doit souvent rester alitée, la lecture et le dessin la soutiennent. Elle prend des cours de dessin pour lequel elle s'avère très douée.  Dans le couvent où ses parents l’ont envoyée soigner son asthme près du lac de Constance, elle dessine tout ce qu’elle voit.

Fin 1866, son père succombe brutalement à une infection  contractée lors d’une autopsie, il avait trente-sept ans, Maria Luise Katharina Breslau en a dix.

Naturalisée suisse à 18 ans, elle est encouragée par sa mère à suivre les cours de dessins à Zurich dans l'école fondée par le portraitiste Eduard Pfyffer. Elle y fait la connaissance, en 1876, de la jeune peintresse, Ottilie W. Rœderstein, avec laquelle elle restera amie toute sa vie. Rœderstein fut la compagne d’Elisabeth Hermine Winterhalter, première femme  chirurgienne en Allemagne.

Mais Breslau comprend que si elle veut progresser et s’assumer professionnellement, il lui faut quitter la Suisse pour Paris, où elle pourra fréquenter une des rares écoles professionnelles ouvertes aux femmes, l’Académie Julian. Sa mère s’oppose d’abord à ce projet, considérant, comme la société à l’époque, que vouloir gagner sa vie comme artiste n’est pas respectable pour une femme. L'art doit rester une passion personnelle et les femmes des "amatrices obligée"*. Mais Breslau obtient gain de cause, à certaines conditions cependant… sa mère l’accompagnera à Paris et elle ne devra en aucun cas dessiner « d’hommes nus ». 

En 1876, à l’âge de 20 ans, Breslau s’inscrit donc à l’Académie Julian, qui accueille les femmes depuis 1873 alors que l’entrée à l’École des beaux-arts leur sera interdite jusqu’en 1897.  Mais l’Académie Julian est chère, même pour une famille aisée. Les chevalets et les tabourets, les crayons et les toiles sont vendus plus chers aux les femmes qu’aux hommes. C’est le prix à payer pour avoir les mêmes professeurs qu’aux beaux-arts. « J’arrivais à peine à payer les leçons, les toiles, les couleurs, et je vivais en dépensant le moins possible. » raconte Louise Breslau.

Elle passe deux ans à l’académie où ses talents sont immédiatement salués par ses professeurs : « Le nom de Breslau sera dans la bouche de beaucoup » prophétise Rodolphe Julian. En 1878, elle installe son atelier dans l’appartement qu’elle partage avec ses amies, la peintresse Sophie Schaeppi et la future comédienne Maria Feller (un temps sa compagne) qui fréquentent comme elles l’Académie Julian. À l’académie, elle s’est aussi liée avec les peintresses Julie Delance-Feurgard, dont elle a fait le portrait, Anna Klumpke, future portraististe et compagne de Rosa Bonheur, Agnes Goodsir, Hermine David et Marie Bashkirtseff, qui parle souvent d’elle dans son journal. Elle noue aussi une solide amitié avec Amélie Beaury-Saurel, peintresse et grande pastelliste féministe qui enseigne à l’Académie Julian.

A la fin de l’année 1878, elle est la seule peintresse issue de l’Académie Julian a être acceptée au Salon de peinture et de sculpture de Paris. Elle enchaîne avec une exposition itinérante suisse qui conduit ses œuvres dans plusieurs grandes villes de la confédération helvétique. Les commandes commencent à arriver et les expositions se succèdent. Maria Luise Katharina Breslau adopte la France, elle francise son prénom et devient Louise Catherine Breslau, elle signe ses tableaux ou L.C. Breslau ou L. Breslau.

Malgré une reconnaissance importante, elle est honorée de plusieurs médailles dans différents salons,  les commandes sont de plus en plus nombreuses et elle se lie avec des peintres de renom qui saluent son travail : Degas, Rodin, Forain, Fantin-Latour,… Breslau doute souvent d’elle-même.

Elle vit durement l’absence de reconnaissance de la Suisse qui l'a exclue ainsi que ses consœurs de la Société des peintres et sculpteurs suisses (SPSS). À la différence d’Amélie Beaury-Saurel et Marie Bashkirseff, elle n'a pas manifesté un féminisme militant,  mais elle revendique les mêmes droits que les peintres masculins. En 1908, il faut qu'elle dénonce la misogynie de la Société des peintres et sculpteurs suisses auprès du Conseil fédéral pour qu'une de ses toiles soit acceptée à la IXe Exposition nationale des beaux-arts à Bâle. L’année précédente, la Société des peintres et sculpteurs suisses avait voté une fois de plus l’exclusion des femmes. « Le seul endroit où je n’ai guère rencontré de réconfort, c’est à Zurich, ma patrie ! », dit-elle dans sa correspondance.

Mais un évènement de taille s’est produit dans sa vie, en proie au doute, en 1885, elle est retournée brièvement étudier à l’Académie Julian, où elle a rencontré Madeleine Zillhardt, future décoratrice et écrivaine, qui va devenir sa compagne et sa muse pour les quarante années à venir.

Durant la Première Guerre mondiale pour prouver son attachement à son pays d'adoption, la France, Breslau fait gracieusement de nombreux portraits d'infirmières, de médecins et de soldats afin qu'ils et elles puissent les offrir à leur famille avant de partir au front.

 

Le style de Louise-Catherine Breslau est traversé de plusieurs courants qu’elle a digérés pour trouver son propre style, sa palette a une touche libre et floutée qui vient de l’impressionnisme, mais elle maintient dans ses représentations un réalisme feutré inspiré de la peinture flamande qu’elle admire. Elle travaille de façon très personnelle les effets de lumière, comme si les personnages de ses tableaux étaient eux-mêmes leur propre source de lumière ou que la lumière choisisse de s’accrocher à eux plutôt qu’au reste de la scène. Une mélancolie songeuse émane de son œuvre, comme si plutôt que de saisir l’instant, chacun de ses tableaux marquait le fait que cet instant est à jamais passé. Un de ses premiers tableaux primés s’appelait  Tout passe

Son œuvre est composée de 800 tableaux, pastels et dessins disséminés dans des collections et des musées d’Europe.

Madeleine Zillhardt raconte dans un article de l’écrivaine féministe Blanche Vogt, paru le 14 sept 1927 dans L'Intransigeant, qu’avant de mourir, à l'âge de 70 ans, Breslau a dit : « Je n’ai rien fait !… Je ne suis pas sûre d’avoir laissé quelque de chose de bon… Ah, si je pouvais vivre trois ans de plus ! » 

Madeleine Zillhardt a fait don de 66 œuvres de Breslau aux musée des Beaux-Arts de Dijon qui en 2006 a organisé l’exposition Louise Breslau dans l’intimité du portrait.

 

NB : En 1901, elle est devient la troisième artiste femme en France, après les peintresses Rosa Bonheur et Virginie Demont-Breton, a être décoré de le légion d’Honneur.

 

*Je reprends ici la notion développée par l’historienne des Sciences, Marilyn Bailey Ogilvie qui forge la notion d’«amateurs obligées» pour décrire l’exclusion des femmes du processus de professionnalisation de l’astronomie au tournant du XIXe siècle, c’est-à-dire un «amateurisme genré».

 


En savoir +

À voir

1 - Chez soi ou Intimité (Katharina et Bernhardina Breslau, mère et sœur cadette de l'artiste), 1885, © Musée des Beaux-Arts de Rouen 

2 -  Contre Jour ( Madeleine Zillhardt et Louise Breslau), 1888 © Muse des Beaux-Arts de Berne

3 - La toilette (Madeleine Zillhardt), 1898  © Collection privée

4 - Autoportrait, 1891 © Musée d'art moderne et contemporain de Strasbourg

5 - Autoportrait, 1904 © Misée de Beaux-Arts de Nice

6 - Portrait des amies ( la peintresse Sophie Schaeppi au centre, la comédienne Maria Feller, ses colocataires à l'époque, à gauche et elle-même en train de peindre à droite), 1881, © Musée d'art et d'histoire de la ville de Genève

7 - Julie Delance-Feugard dans son jardin de Sannois, 1886 © Musée des Beaux-Arts de Lausanne

8 - Portrait d'Adrien Karbowsky , volontaire avant son départ sur le front à Verdun, 1915  © Musée Carnavalet, Paris


À lire


Dans le 6e arrondissement de Paris, une place porte le nom de Breslau et Zillhardt. Elle se trouve à l'intersection des rues Dauphine, Saint-Andrée des Arts, Ancienne comédie, Mazarine et Buci.