Pandita Ramabai

Réformatrice sociale et pionnière de l'éducation des femmes en Inde

Pandita Ramabai  ©  Press of the J. B. Rodgers printing co
Pandita Ramabai © Press of the J. B. Rodgers printing co

Née le 23 avril 1858 à Kanara, dans l’état du Karnataka, morte le 5 avril 1922 à Bombay, dans l’état du Maharashtra, à l'âge de 63 ans.

 

Pandita Ramabai est une éducatrice, une féministe et une pionnière dans l’éducation des femmes en Inde.

Sa vie et son œuvre constituent un exemple de la manière dont la condition féminine et l’identité religieuse s’articulaient dans le contexte brahmanique du 19e siècle en Inde. Savante érudite de sa propre tradition, on lui a décerné les titres de « Pandita » pour sa connaissance du sanskrit et de « Saraswati », d’après le nom de la divinité de l’apprentissage.

Ses décisions concernant sa vie, son travail et ses interventions publiques ont vigoureusement remis en question le statut des femmes (et surtout des veuves) au sein de l’hindouisme. Son adhésion au christianisme ainsi que son travail en marge des traditions lui ont valu de nombreuses critiques à la fois par la communauté brahmane et par les réformistes hindous. Aujourd’hui, on la connaît surtout pour son travail auprès des femmes, des veuves et des orphelins, avec la création de Mukti Mission, un foyer d’apprentissage pour les femmes démunies et les enfants de toutes castes.

Née dans une famille Chitpavan Brahmane au Karnataka, Ramabai était la plus jeune enfant d’Anant Shahstri Dongre, un érudit hindou. Anant Shahstri croyait fermement en l’éducation des femmes et s’opposait aux coutumes brahmaniques tel que le mariage des enfants. Dès son plus jeune âge, Ramabai fut exposée à la vocation religieuse de sa famille, et vers l’âge de cinq ans, son père commença son enseignement védique (malgré le fait qu’à cette époque un tel enseignement était strictement réservé aux hommes de castes supérieures). Cette décision, hautement polémique, entraîna l’expulsion de la famille Dongre du village de Kangara. Ramabai et sa famille furent donc forcés d’adopter un mode de vie itinérant, se déplaçant d’un lieu saint à l’autre, et gagnant des revenus sporadiques en récitant des textes sacrés sanscrits.

En 1876, une famine frappa le nord de l’Inde. Son père, sa mère et sa sœur aînée succombèrent pendant cet évènement tragique, laissant derrière Ramabai et son frère Shrinavas.

Ramabai et Shrinavas continuèrent leur voyage arrivèrent à Calcutta en 1878. C’est à Calcutta que Ramabai reçut les titres de « Pandita » (féminin de pandit, terme qui désigne un savant maîtrisant la philosophie hindoue et les textes sacrés sanscrits) et de « Saraswati », en reconnaissance de son érudition et de sa capacité à réciter par cœur les textes sacrés. Deux ans plus tard, en 1880, son frère Shrinavas mourut. La même année, elle épousa Bipin Behari Das, un avocat bengali non-brahmane. Épouser un homme de caste inférieure fut le premier geste qu’elle posa en défiance des structures sociales et des normes de castes traditionnelles. Bipin mourut dans les deux ans suivant leur mariage, la laissant avec une petite fille, Manorama. Son veuvage précoce ainsi que la discrimination que celui-ci entraîna dans sa vie et celle de sa fille remit en question sa foi en l’hindouisme.

En 1883, l’année qui suivit la mort de son mari, Ramabai déménagea à Bombay et fonda l’Arya Mahila Samaj, une organisation pour l’émancipation des femmes. Pendant cette période, Ramabai étudia l’anglais et se familiarisa avec les principes du christianisme. À ce stade, Ramabai n’acceptait pas encore entièrement le christianisme, car elle ne souhaitait pas « remplacer une forme de patriarcat par une autre ». Cependant, elle devenait de plus en plus consciente de la position subalterne des femmes dans la société hindoue.

En 1882, Ramabai publia son premier livre Stri Dharma Niti afin de financer un voyage en Angleterre. Durant cette même année, elle témoigna devant la Hunter Commission, la première commission sur l’éducation créée par le gouvernement britannique, afin d’améliorer le système d’enseignement général. Dans son témoignage, Ramabai souligna le besoin des femmes dans les domaines de l’éducation et de la médecine.

En 1883, Ramabai fit la rencontre de membres de la communauté anglicane des Wantage Sisters of St. Mary the Virgin, à Poona, qui l’aidèrent à se rendre en Angleterre. Lors de son séjour, Ramabai affirma ses convictions sur l’assujettissement des femmes au sein de l’hindouisme et se convertit finalement au christianisme. Pendant ce temps, elle publia The High Caste Hindu Woman, un ouvrage décrivant les épreuves subies par les enfants-veuves. Dans ce contexte, les mariages arrangés à un très jeune âge pour les filles étaient fréquents : des fillettes mariées avant la puberté devenaient veuves avant même d’avoir eu des relations sexuelles avec leur mari, généralement plus âgé qu’elles.

Ramabai revint en Inde en 1889 et fonda à Bombay le Sharada Sadan (qui devint par la suite Mukti Sadan) un pensionnat pour les enfants-veuves hindoues.

Bien que l’institution se voulait au départ laïque et n’avait pas pour but de convertir ses élèves, elle devint de plus en plus ouvertement chrétienne. Ce changement idéologique provoqua de nombreuses réactions dans la société indienne, particulièrement chez les réformateurs hindous, qui cessèrent leurs donations au centre. Cependant, Ramabai resta convaincue que le christianisme, moins ritualisé et strict que l’hindouisme (surtout au niveau des règles de pureté et sociales) offrait de meilleures opportunités de vie pour les femmes (veuves et non-veuves).

Ramabai entreprit de traduire la Bible à partir du grec et de l’hébreu vers le marathi, projet qui lui prit plus de vingt ans. Elle publia le Nouveau Testament en 1913 et la Bible entière en 1922, quelques mois avant sa mort.

Ramabai décéda le 5 avril 1922, à Poona, mais Mukti Sadan continua d’être actif pendant plusieurs années après sa mort.

Pandita Ramabai est restée longtemps ignorée, jusqu’à ce que des historiennes indiennes (comme Meera Kosambi et Uma Chakravarti) s’intéressent à ses écrits dans une perspective féministe. Aujourd’hui, les féministes indiennes considèrent Pandita Ramabai comme la première réelle « activiste » à avoir œuvré pour les droits des femmes en Inde.

 

Émeraude Lapointe-Provost

 

Étudiante de premier cycle,
majeure en sciences des religions,
Université Laval, Québec
9 juin 2021 * 

 

 

Références

Sugirtharaja, Sharada, « Pandita Ramabai » dans Encyclopedia of Religion, volume 11, 2e édition, Gale, 2005

Bhirdikar, Urmila, « Pandita Ramabai » dans Encyclopedia of Race and Racism, volume 3, 2e édition, Gale, 2013

Auteur inconnu, « Pandita Ramabai 1858-1922 » dans Women in World History: A Biographical Encyclopedia, Yorkin, Détroit, 2021

 

Iyer, Nalini, « Ramabai, Pandita (1958-1922) » dans Encyclopedia of Gender and Society, volume 2, Sage Publications Inc, 2009

*la date en haut de page ne correspond pas à celle de l'édition de l'article, mais elle nous permet d'organiser ce répertoire par ordre alphabétique…

 

 

"En lisant le quatrième chapitre de l'Evangile selon St Jean, j'ai réalisé que le Christ pouvait sauver les femmes de l'oppression dont elles étaient victimes en Inde."

 

Pandita Ramabai

 

 

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On trouve très peu de textes et d'informations en français sur Pandita Ramabai, voici quelques pistes à suivre pour en savoir plus (en anglais…)

 


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